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Paul Truchot notre ami, récolte chaque année de magnifiques noix, il les casse et prépare les cerneaux. Nous sommes allés chez son meunier à Champanges presser ses noix pour avoir son huile maison.
 Comme souvent autrefois la même installation hydraulique actionnait un moulin et une scierie, les deux activités persistent dans ce bâtiment mais la force motrice n'est plus l'eau du ruisseau, la retenue en amont ayant été remplacée par un parking. Toute la machinerie roue à auge, transmission,les poulies sont encore en place; pour la partie moulin où nous étions c'est cette machinerie qui fonctionne simplement un moteur électrique entraine l'arbre primaire. Les différentes machines sont actionnées tour à tour, le meunier embrayant l'une pu l'autre en déplaçant la courroie à l'aide d'un tasseau de bois.

Rendez-vous étant pris nous attendons devant la porte la fin de la sieste du meunier nous chantons in-petto la chanson de circonstance. Les noix sont pesées: 35 kg.



La première opération consiste à moudre c'est à dire écraser les cerneaux en veillant bien qu'il ne reste pas de résidus de coquille qui feraient sauter la lourde meule de pierre, un racloir ramène la matière à l'avant de la meule. La meule tourne lentement et l'odeur de noix commence à remplir la pièce.

 

 

La poudre est laminée très lentement entre deux rouleaux pour avoir la bonne granulométrie, un ingénieux système fait vibrer le bac dans lequel on a mis nos noix broyées et la poudre tombe petit à petit entre ces meules. Toute la machine hormis les rouleaux est en bois de noyer huilée depuis des lustres par l'huile produite par l'opération.

 

La pâte obtenue est mise à chauffer dans une bassine en métal qui termine un poêle à bois construit dans la maçonnerie du mur. Pendant toute la chauffe la pâte est tournée par un racleur actionnée par une machinerie d'arbre et de poulie. Cette opération de torréfaction est le tour de main du meunier, la chaleur est contrôlée à l'œil, la couleur et la puissance du goût de l'huile dépend de cette réussite. Le but est d"éliminer l'humidité des noix, l'odeur de noix grillée ravit les narines.

 

Enfin on met dans une toile cette poudre dans un gabarit adaptée à la presse. Cette presse bien qu'ancienne est le seul compromis à la modernité puisqu'elle est hydraulique, elle a remplacée la presse à vis qui est encore visite dans la pièce adjacente.

 

L'huile s'écoule ruisselle sur la machine et coule dans le double décalitre placé en dessous.

A la fin le résultat est écrit sur le tableau, Paul est parmi les lauréats de tête avec 22 litres d'huile pour 35 kg de cerneaux. Seuls les noyers jeunes et greffés ont de meilleurs rendements, le meunier le félicite et il avait vu tout de suite la qualité de ces noix.

Nous avons passé un après-midi  entier, Paul a payé une cinquantaine d'euros… Il faudra laisser décanter et reposer l'huile une quinzaine de jours avant de l'utiliser. Inutile de dire que cette huile n'a aucun rapport avec celle du commerce. Nous rentrons à la maison emmenant dans nos habits la bonne odeur du moulin.

 

Un article du Messager sur le sujet

L’huilerie artisanale de la famille Maurice compte parmi les plus anciens bâtiments du village. « Au début des années 1700, raconte Michel Maurice, on appelait le secteur les Moulins de Darbon : il y avait un canal qui partait d’un étang, à l’endroit de l’actuelle zone artisanale, et alimentait cinq moulins. »

Le moulin Maurice, lui, a été construit en 1727. C’est de cette année que datent la conche, la meule qui broie les cerneaux de noix, et le four de pierre qui donne à la préparation toute sa saveur.

A l’origine, l’énergie de cette installation était fournie par une roue à eau de 6,5 m de diamètre. En 1954, le père de M. Maurice l’a finalement remplacée par une turbine, au bout de 150 m de canalisations, avant le passage au tout électrique en 1986.

Les cerneaux broyés sont passés aujourd’hui dans un aplatisseur, un laminoir datant des années 1920. Quant à la presse hydraulique qui extrait l’huile des tourteaux de noix, elle date de 1907 et a été mise en service dans l’huilerie de Darbon en 1942.

« L’ancienne presse de 1727 est toujours là, juste derrière : en ce temps-là, il fallait presser deux fois. La deuxième pression servait juste à faire de l’huile pour les lampes. »

Après la dernière guerre, bien des huileries ont fermé ; mais pas celle de Champanges. « Pendant trente ans, on la mettait en route trois jours pendant l’hiver : les 1er, 2 et 3 février. Après 1995, on a étendu la durée de production. » Si bien que désormais, la conche écrase quelque vingt tonnes de noix par an.

Neuvième génération

Michel Maurice a appris la technique de son père, comme ses aïeux avant lui : « On en est à la neuvième génération, rappelle-t-il. Il y a quarante-sept ans que je fais de l’huile. Et après moi, ma fille reprendra le travail. Elle l’a déjà fait pendant une dizaine d’années. » Car une longue expérience est indispensable.

ancienne presse

« Chacun a son secret pour faire de l’huile. Mais il faut surtout des années de pratique. Chaque client apporte des noix différentes, elles sont plus ou moins humides. Avec l’expérience, on sait rien qu’au toucher et surtout à l’odeur comment il faut les travailler. » Mais nous n’en saurons pas davantage sur ses recettes, sinon ceci : « Ce qui est sûr, c’est que pour avoir une bonne qualité, il faut prendre son temps. »

Et les clients l’ont bien compris, qui viennent quand même de très loin (Sarthe, Lorraine, Allemagne, Angleterre…) pour cette huile au parfum du temps jadis.

YVAN STRELZYK